Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/187

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vreux chassé par les douces clartés du matin ; il se demandait si lui, Volmerange, s’était bien réellement marié la veille et avait jeté sa femme coupable dans la Tamise. Cet avertissement, ces lettres, cet écroulement de bonheur, cette catastrophe horrible, le laissaient presqu’incrédule, et il restait là rêveur, à regarder Dakcha et Priyamvada.

Dakcha, revenu de son exaltation, rentrait peu à peu dans la vie réelle et perdait son air inspiré ; ce n’était plus que le vieillard parcheminé dont nous avons tracé plus haut le portrait. Le prophète avait disparu ; il ne restait plus que l’homme, et l’homme dit au comte avec un sourire obséquieux :

— Maintenant que votre seigneurie sait qu’elle est chez le mouni Dakcha, de la secte des Brahmanes, je puis me retirer. Des ablutions à faire, pour me purifier des souillures qu’un saint même ne peut éviter dans ces villes infidèles, m’obligent à rentrer dans ma chambre orientée. Priyamvada restera avec vous, et son entretien vous sera plus agréable sans doute que celui d’un vieux brahme épuisé par la pénitence.

Après avoir dit ces mots, Dakcha laissa retomber l’épaisse portière dont il avait soulevé le pli, et disparut.

Priyamvada, se groupant aux pieds de Volmerange avec la grâce d’une gazelle familière, lui prit la main, et levant vers lui ses yeux brillants sous leurs lignes de surmeh, lui dit d’une voix pleine de roucoulements mélodieux :

— Qu’a donc mon gracieux seigneur ? il sem-