Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/202

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— Daniel, allez-vous-en porter cette lettre à la ville, dit Volmerange, après avoir plié un papier, au vieux gardien qu’il avait appelé ; c’est très pressé.

Le vieux serviteur partit, et lorsque Volmerange eut entendu refermer la porte d’entrée, il dit à Dolfos :

— À nous deux maintenant !

Et détachant d’un trophée d’armes suspendu au mur deux épées de pareille longueur qu’il mit sous son bras, il se dirigea vers le jardin. Livide comme un spectre, les dents serrées, les yeux injectés de sang, Dolfos suivait Volmerange de ce pas machinal dont le patient suit le bourreau. Il eût voulu crier, mais la voix tarissait dans son gosier aride ; et d’ailleurs personne n’eût entendu ses cris. Il lui prenait l’envie de s’arrêter, de se coucher par terre et d’opposer une résistance inerte ; mais Volmerange l’eût fait marcher avec sa main puissante, comme le croc qui traîne un cadavre aux gémonies. Il allait donc, muet et stupide, lui si éloquent et si retors, car il avait senti tout de suite l’inutilité de la prière ou du mensonge.

En passant devant une resserre rustique, Volmerange y entra un instant, et en ressortit avec une bêche.

Ce détail sinistre glaça Dolfos. Ils marchèrent ainsi jusqu’au fond du parc.

Arrivé là, Volmerange s’arrêta et dit : La place est bonne.

La place était bonne, en effet : des arbres plus qu’à moitié effeuillés par l’automne, et profilant