Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/218

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

grille qu’il tira de son portefeuille, et parut satisfait du contenu de la note hiéroglyphique, car il dit à Benedict : C’est bien ; tout va comme je veux.

L’île de l’Ascension dépassée, au bout de quelques jours de navigation, une espèce de nuage grisâtre commença à sortir de la mer comme un flocon de brume pompé par le soleil.

Bientôt le nuage devint un peu plus opaque, et ses contours se dessinèrent plus nettement à l’horizon clair ; avec la longue-vue on pouvait en discerner la silhouette.

Ce n’était pas un nuage assurément.

C’était la terre ; c’était une île : elle s’élevait graduellement du sein des eaux, ne montrant encore, à cause de la déclivité de la mer, que la découpure de ses montagnes. Mais bientôt, on la vit tout entière, immobile et sombre, au milieu de l’immensité, avec sa pale ceinture d’écume.

D’énormes rochers à pic de deux mille pieds de haut faisaient surplomber leurs masses volcaniques sur la mer qui battait leur base et se roulait, échevelée et folle de colère, dans les anfractuosités creusées par ses attaques : on eût dît qu’elle avait conscience de ce qu’elle faisait, tant les flots revenaient à la charge avec acharnement.

Ces immenses masses granitiques, estompées à leurs pieds par un brouillard d’écume, avaient la tête baignée de nuages mêlés de rayons. Leurs escarpements gigantesques, leurs flancs décharnés, où la lave des volcans refroidis traçait des sillons