Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/260

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rure, un soldat séduit à qui il vient des scrupules après avoir touché l’argent et qui veut le double, moins que cela peut-être, car nul ne peut prévoir les mille résistances bêtes des choses aux idées et de la matière à l’esprit.

Tout en débitant ce monologue intérieur, Sidney gesticulait fébrilement. Tout à coup il s’arrêta, croisa les bras sur sa poitrine, et resta quelques instants dans une attitude de rêverie profonde.

— Si le hasard avait une volonté ! Oh ! reprit-il après une pause, la mienne la vaincra.

Pendant que Sidney se livrait à ses pensées, Jack et Saunders, personnages beaucoup moins rêveurs, faisaient passer leur chique de leur joue droite à leur joue gauche et réciproquement, et regardaient la mer de cet œil attentif et distrait en apparence, avec lequel le matelot ne peut s’empêcher d’observer, même lorsqu’il est à l’abri de ses atteintes, l’élément dont sa vie dépend.

La tempête s’était calmée et le canot, la proue ensablée et maintenu par le câble, n’était plus soulevé du côté de la poupe que par des ondulations assoupies.

— Allons, Saunders, grimpe le long de cette roche et mets-toi en vigie là-haut ; toi, Jack, entre dans le canot et pompe l’eau qui peut avoir pénétré dans la cabine.

Les deux matelots se séparèrent pour exécuter les ordres de Sidney. L’un monta et l’autre descendit.

L’idée qu’un homme eût pu se hisser au sommet de cet escarpement eût d’abord paru absurde ; mais, en y regardant de plus près, la roche était moins verticale qu’elle ne le paraissait, d’abord.