Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/278

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demande formulée ainsi ; et, bien que Volmerange se fût promis de ne plus désormais s’occuper d’aucune femme, il ne put s’empêcher d’offrir assez gracieusement, pour un misanthrope qui s’était proposé de dépasser les sauvageries de Timon d’Athènes, le bras qu’on lui demandait avec une instance que la frayeur rendait presque caressante.

La voiture stationnait à un endroit assez éloigné du parc, en sorte que le trajet à parcourir pour la rejoindre donna aux deux personnes, aussi brusquement mises en rapport, le moyen de faire une espèce de connaissance.

Une femme avec qui vous avez fait deux cents pas, la sentant sur votre bras, palpitante d’une forte émotion, appuyant sa main parce que ses pieds tremblent, n’est plus une inconnue pour vous.

Aussi Volmerange, qui avait eu le temps de remarquer la beauté de la jeune femme et de deviner son esprit aux quelques phrases échangées pendant la route, ralentit involontairement le pas, lorsqu’il vit arrêtée près d’une des portes du parc la voiture étincelante de vernis et splendidement armoriée au marchepied de laquelle on devait se quitter.

— Me refuseriez-vous cette grâce, dit-elle, après s’être installée dans sa boîte de satin et avant que le valet de pied n’eût refermé la portière, de savoir le nom de mon libérateur ! Je suis miss Amabel Vyvyan.

— Et moi je me nomme le comte de Volmerange, répondit-il en faisant une profonde inclination,