Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/284

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d’une femme voilée, elle est jolie, et à la souplesse de sa démarche on peut juger qu’elle est jeune.

Le comte jeta les yeux sur la pendule et vit qu’il pouvait disposer d’une demi-heure avant de se rendre chez Amabel, et il dit au valet de chambre d’introduire la dame mystérieuse.

Cette visite singulière, cette insistance à ne pas se nommer, ce voile soigneusement rabattu, tout cela avait une tournure romanesque faite pour séduire l’imagination assez vive du comte. Cependant il éprouvait malgré lui une espère de terreur vague et de frisson involontaire ; — il se vit par hasard dans une glace et se trouva pâle.

La pièce où le comte se tenait était vaste, d’un luxe sévère, éclairée par une seule lampe dont la lumière, concentrée sur un seul point, laissait le reste de la chambre dans l’ombre. Il pleuvait, et la pluie battait les vitres avec un tintement qui rappelait une certaine nuit de tempête…

Une attente anxieuse contrastant avec la légèreté de ses réponses au valet de chambre poignait le cœur de Volmerange ; et lorsque la porte s’ouvrit pour donner passage à l’inconnue, le léger craquement des gonds lui fit faire un soubresaut nerveux.

L’ombre gagnait la porte : le comte ne put d’abord bien distinguer la femme qui venait d’entrer.

Avec la politesse d’un gentleman qu’il était, il fit trois pas au-devant d’elle.

La lumière de la lampe éclairait alors en plein la nouvelle venue.

Le valet de chambre avait bien jugé : ce n’était