Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/40

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avec une vélocité toujours soutenue sur ces admirables routes anglaises unies comme une table et mieux soignées que ne le sont chez nous les allées des parcs royaux.

Déjà se balançait à l’horizon l’immense dais de vapeurs toujours suspendu sur la ville de Londres. La vue de cette brume fit plus de plaisir au voyageur que l’aspect du plus splendide azur vénitien.

— Ah ! voilà la fumée de la vieille chaudière du diable, dit l’étranger en se frottant les mains d’un air de satisfaction profonde : nous approchons !

Les cottages et les maisons d’abord disséminés commençaient à former des masses plus compactes. Des ébauches de rues venaient s’embrancher sur la route. Les hautes cheminées de briques des usines, pareilles à des obélisques égyptiens, se dressaient au bord du ciel et dégorgeaient leurs flots noirs dans le brouillard gris. La flèche pointue de Trinity-Church, le clocher écrasé de Saint-Olave, la sombre tour de Saint-Sauveur avec ses quatre aiguilles, se mêlaient à cette forêt de tuyaux qu’elles dominaient de toute la supériorité d’une pensée céleste sur les choses et les intérêts terrestres.

Plus loin, derrière ce premier plan découpé en dents de scie par les angles des édifices, se distinguait vaguement, à travers la brume bleuâtre flottant sur le fleuve et les esparres compliqués des navires, la silhouette de la Tour de Londres et le dôme gigantesque de Saint-Paul, contrefaçon britannique de Saint-Pierre de Rome, qui, légère-