Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/42

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Jack et le capitaine Peppercul, répondit l’inconnu sur le même ton.

— Suivez-moi : tout est prêt.

Tous deux marchèrent jusqu’à une maison de mauvaise apparence, où leur venue était sans doute guettée de l’intérieur, car la porte s’ouvrit aussitôt et se referma sans bruit.

Pendant que la voiture vert-olive de maître Geordie roulait sur la route de Londres avec la foudroyante impétuosité que nous avons décrite, la Belle-Jenny n’était pas non plus restée oisive : après avoir pris à son bord Mackgill et le camarade Jack, elle avait continué sa route allègrement, poussée par une jolie brise ; le rocher de Shaskspeare doublé, elle avait passé devant Deale et Docons, et, suivant la ligne des blanches falaises, remonté jusqu’à Ramsgate ; puis, entrant dans l’embouchure du fleuve, elle s’était arrêtée à la hauteur de Gravesend, à la tombée de la nuit, et avait jeté l’ancre derrière une flottille de charbonniers de Hull, dont les voiles noires eussent pu faire mourir de chagrin le père de Thésée ; et là, à voir son air débonnaire et paisible, on eût dit un honnête navire attendant l’heure de la marée pour remonter au pont de Londres et déposer devant Custom-House la plus légitime cargaison de marchandises.

Pourtant la hauteur de ses deux mâts, la largeur de ses vergues, la coupe évidée de sa coque, où la contenance avait été évidemment sacrifiée à la légèreté de la marche, donnaient à la Belle-Jenny, malgré sa mine hypocrite, un air leste et fripon que n’ont pas les bâtiments dont l’unique oc-