Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/56

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L’escalier, après une trentaine de marches, aboutissait à un plafond que le premier des matelots heurta assez fort de la tête.

— Au diable la distraction : j’ai mal compté et je me suis trompé d’une marche en montant. Ma punition est une bosse au front ; heureusement que j’ai le crâne plus dur qu’un beefsteack à la taverne de l’Artichaut couronné.

— Eh bien, Snuff, que vous arrive-t-il ? qu’avez-vous à grommeler entre vos dents, comme une vieille femme papiste qui égrène son chapelet ? Au lieu de cogner au plancher et de faire le signal, croyez-vous que nous nous amusions , derrière vous, sur cet escalier plus raide qu’une échelle de potence ?

— Je vais frapper contre le plafond, et en même temps pousser le cri.

Un coup sourd retentit dans le souterrain, bientôt suivi d’un piaulement aigre et prolongé.

— Qui travaille là, sous le plancher ? dit Saunders tressaillant à ce son bien connu. Et, frappant du talon sur la trappe : — Paix là, vieille taupe ! ajouta-t-il, on y va, parodiant à son usage le mot d’Hamlet à l’ombre, car Saunders avait vu récemment au théâtre de Drury-Lane cette pièce du vieux Shakspeare, qui avait fait une vive impression sur sa nature rude, mais poétique.

La trappe s’ouvrit, et, rabattue sur ses charnières, laissa émerger successivement du gouffre humide quatre gaillards, qui, s’ils n’avaient pas précisément l’air convenable, portaient du moins sur leurs faces rougies par les intempéries de l’air une expression d’astuce et d’audace significative