Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/58

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L’étranger, avec cette délicatesse des âmes cultivées, devina tout de suite que le moins ignoble de la bande était Saunders ; d’un regard il en fit le chef, et ce fut à lui qu’il adressa la parole.

— Tout est-il disposé d’après le plan convenu ? dit l’étranger d’un ton impératif et calme.

— Oui, mylord, nous n’attendons plus pour agir que le bon plaisir de votre grâce, répondit Saunders poliment, mais sans basse obséquiosité.

— Bien ; l’heure d’agir est arrivée.

— Allons, dit Noll à Bob, va dire à Cuddy de s’engager dans la ruelle avec sa voiture.

Bob sortit après avoir essayé de donner avec sa manche usée un peu de lustre à son feutre sans poil ; car, disait-il, il fallait toujours avoir l’air d’un homme du monde.

Saunders disposa son masque de poix dans le fond de sa main épaisse, et s’apprêta à sortir.

— L’homme avec lequel j’entrerai dans la ruelle en causant est celui qu’il faut enlever, dit l’inconnu ; mais surtout pas de violences, pas de brutalités.

— Soyez tranquille, mylord, le gentilhomme sera manié délicatement, comme une caisse où il y a écrit : fragile, répondit Noll avec une fatuité de contrebandier.

Tous les hommes de la bande sortirent les uns après les autres, pour ne pas donner de soupçon, et se mirent à flâner le plus naturellement du monde dans ce lane désert.

L’étranger se dirigea seul du côté de l’église de Sainte-Margareth.