Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/63

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Le corselet dans lequel se moulaient ses charmes développés par l’embonpoint de la quatrième jeunesse eût préservé d’un coup de lance aussi bien qu’une armure de Milan, tant il était bardé de baleines, de lames d’acier et autres engins compressifs. Comment la brave dame avait-elle pu s’introduire dans cette gaîne ? c’est un mystère de toilette que nous respectons, mais elle avait dû subir une pression de quarante atmosphères pour obtenir ce résultat.

Son visage, large et carré, était diapré de toutes les fleurs de la couperose. Ses joues flambaient, son nez visait au charbon ; son front même était couleur de pralines. Cette physionomie incandescente s’encadrait de cheveux d’un roux britannique férocement crépés, et qui ressemblaient plutôt à des filaments de soie végétale qu’à des cheveux humains. Ce visage eût été des plus communs sans deux prunelles d’un gris dur et froid comme l’acier, qui en relevaient la trivialité par quelque chose de dédaigneux et d’impératif ; ce regard la signait grande dame, femme de highlife, malgré la bourgeoise épaisseur de ses formes et l’enluminure de son teint.

Lady Eleanor Braybrooke était veuve et servait de chaperon à miss Amabel Vyvyan, sa nièce, restée orpheline toute jeune et maîtresse absolue d’une assez grande fortune.

Dans la cérémonie importante qui allait avoir lieu, lady Braybrooke devait servir de mère à sa nièce.

Miss Amabel, quoique la chose ne soit guère romanesque, épousait, sans obstacle aucun, un jeune