Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/97

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Sidney lui a fait sur le compte de miss Amabel une de ces révélations terribles qui marquent comme un fer rouge et coupent comme une hache. Mais qu’y a-t-il à dire sur cette vie pure, transparente, passée dans une maison de cristal, et dont chaque heure en quelque sorte peut se justifier, où la médisance et la calomnie ne trouveraient pas l’ombre d’un prétexte ? Quelle froide extravagance lui aura proposée ce Sidney : un voyage au pôle arctique, une chasse au tigre ou à la panthère noire dans ses possessions de Java ? Ce serait de la folie, et Benedict n’est pas fou ; et, à moins que Sidney ne l’ait escamoté et mis dans sa poche, je n’y conçois rien.

En ce moment une idée lumineuse traversa la cervelle de sir William Bautry.

Si j’allais voir à l’hôtel que possède Sidney dans Pall-Mall, et qu’il occupait avant de partir pour l’Inde ?

Les fenêtres de l’hôtel étaient fermées, et tout indiquait qu’il n’avait pas été habité depuis longtemps.

William fit voltiger le marteau et un domestique vint ouvrir après lui avoir fait subir une attente assez longue.

Ce domestique, venu des parties les plus reculées de l’hôtel, témoigna à l’aspect de William Bautry une surprise qui témoignait combien l’apparition d’un visiteur était rare en ce logis désert.

— Sir Arthur Sidney est-il chez lui maintenant ? demanda à tout hasard William Bautry.

— Oui, mylord, probablement.

— En ce cas, faites-moi parvenir à lui, voici ma carte, dit William en gagnant du terrain.