Page:Gautier - Les Roues innocents.djvu/121

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ma mission est accomplie, et vous ne devez plus me revoir.

— Que voulez-vous dire, chère Florence ? s’écria Dalberg, qui ne comprenait rien à ce revirement soudain de situation et à cette résolution étrange.

— Calixte vous aime encore… — Adieu, Henri, adieu pour toujours.

Et Florence posa ses lèvres sur le front du jeune homme ; puis elle disparut en tirant la porte sur elle si brusquement que Dalberg ne put la rejoindre.

Quand il arriva à la porte extérieure, il entendit le roulement de la voiture de Florence qui s’éloignait ; pour sortir, il fallait qu’il remontât chercher ses billets de banque. Tout espoir de la rattraper était donc perdu.

Le premier usage qu’il fit de sa liberté, ce fut de courir à l’hôtel redevenu le sien, espérant y trouver quelque indice. Les gens de Florence ne savaient rien : leur maîtresse était sortie le matin et n’avait pas reparu. Il alla rue Saint-Lazare, à l’ancien appartement qu’elle occupait ; tout était fermé. Les précautions de Florence étaient bien prises, et les recherches de Dalberg furent inutiles.

À présent, il faut que nous expliquions nous-mêmes au lecteur cette énigme, dont Henri n’eut le mot que longtemps après.

Florence avait été élevée dans la même pension que Calixte ; les deux enfants avaient contracté l’une pour l’autre une de ces amitiés si vives et si pures qui ne sont possibles qu’à cet âge heureux : le temps seul des classes les séparait, car Florence, âgée de deux ans de plus que son amie, était naturellement plus avancée dans ses études. — Mais, aux récréations, on était sûr de les trouver se promenant côte à côte sous l’allée de tilleuls au fond du jardin, épanchant leur âme et faisant sur toutes choses des conversa-