Page:Gautier - Les Roues innocents.djvu/67

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soirée s’avançait. Henri semblait reprendre son sang-froid, et Calixte respirer plus librement.

— Peut-être, murmura-t-elle pendant que la pendule sonnait dix heures, le danger est-il passé.

Au même instant les portes du salon s’ouvrirent avec fracas, et un grand laquais, vêtu d’une livrée que Dalberg reconnut aussitôt, s’avança vers le père de Calixte, tenant une boîte et une lettre, et dit d’une voix retentissante :

— Pour remettre à M. Desprez en main propre de la part de mademoiselle Amine de Beauvilliers.

— Le mauvais ange l’emporte, soupira Calixte en renversant sur le bord de son fauteuil sa tête décolorée.




V


Le laquais, impassible au milieu de la stupeur générale, se dirigea, avec une perpendicularité roide et maintenue par des efforts héroïques, vers M. Desprez, qui s’était détaché du groupe.

Son front moite de sueur, ses yeux troubles et sa face cramoisie attestaient de nombreuses et récentes libations ; mais il ne fléchissait pas, et son attitude respectueusement insolente n’avait rien perdu de sa correction.

— Mademoiselle Amine de Beauvilliers ! dit M. Desprez en ayant l’air de chercher à rassembler ses souvenirs, que peut-elle me vouloir ? C’est la première fois que j’entends prononcer ce nom.

— Mademoiselle est cependant très connue dans Paris, répondit le laquais avec un aplomb ironique.