Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/101

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vue les rares spectateurs disséminés çà et là dans les loges et les galeries.

À l’avant-scène, un jeune merveilleux, agitant avec nonchalance un binocle d’or émaillé, se prélassait et se pavanait sans se soucier aucunement de toutes les lorgnettes braquées sur lui.

Sa mise était des plus excentriques et des plus recherchées. Un habit de coupe singulière, hardiment débraillé et doublé de velours, laissait voir un gilet d’une couleur éclatante, et taillé en manière de pourpoint ; un pantalon noir collant dessinait exactement ses hanches ; une chaîne d’or, pareille à un ordre de chevalerie, chatoyait sur sa poitrine ; sa tête sortait immédiatement de sa cravate de satin, sans le liséré blanc, de rigueur à cette époque.

On aurait dit un portrait de François Porbus. Les cheveux rasés à la Henri III, la barbe en éventail, les sourcils troussés vers la tempe, la main longue et blanche, avec une large chevalière ouvrée à la gothique, rien n’y manquait, l’illusion était des plus complètes.

Après avoir longtemps hésité, tant cet accoutrement lui donnait une physionomie différente de celle qu’il lui avait connue jadis, Daniel Jovard comprit que ce jeune homme fashionable n’était autre que Ferdinand de C*** avec qui il avait été au collège. Lecteur, je vous vois d’ici faire une moue d’un pied en avant, et crier à l’invraisemblance. Vous di-