Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/118

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peurs, sa renommée croit en raison de sa barbe ; vous avez aujourd’hui un gilet rouge, demain il portera un habit écarlate. Regardez-le un peu, je vous prie ! il se donne tant de mal pour obtenir un de vos regards, il mendie un coup d’œil comme un autre une place ou une faveur ; ne le confondez pas avec la foule, il se jetterait par-dessus le pont. Pour attirer votre attention, il marcherait sur la tête et monterait à cheval à rebours.

Ce qui m’étonne, c’est qu’il n’ait pas encore mis des gants à ses pieds et ses bottes dans ses mains, cela serait pourtant fort remarquable. On le rencontre partout : au bal, au concert, dans l’atelier des peintres, dans le cabinet des poëtes en vogue. Il n’a pas manqué, depuis deux ans, une seule première représentation ; on peut l’y voir, sans rien payer par-dessus le prix de sa place, au balcon de droite, où se mettent ordinairement les artistes et les littérateurs : ce spectacle-là vaut souvent l’autre : il est admis dans les coulisses, le souffleur lui dit : Mon cher, et lui donne la main ; les figurantes le saluent, la prima donna lui parlera l’année prochaine. Vous voyez qu’il fait son chemin rapidement. Il a un roman en train, un poëme en train ; il a lecture pour un drame qu’il ne manquera pas de faire ; il va avoir le feuilleton d’un grand journal, et j’apprends qu’un éditeur à la mode est venu pour lui faire des propositions. Son nom est déjà sur tous les catalogues, comme il suit M.....us Kwpl... un roman ; dans six mois on en mettra le titre, le pre-