Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/150

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une belle femme, et je t’appellerai monsieur le comte, et ta femme madame la comtesse.

Apprends encore ceci, monsieur l’amoureux de grandes dames. Il y a une douceur ineffable et souveraine à être servi par une femme à qui l’on sert, et c’est un plaisir que tu n’as jamais goûté et que tu ne goûteras jamais ; tes belles dames n’aiment pas assez pour cela, et nous autres, Français, quoique nés malins depuis un temps immémorial, nous sommes, à vrai dire de francs imbéciles, et nous ne portons pas les culottes. Ma foi, vivent les Turcs ! ces gaillards-là entendent les choses de la belle manière et comprennent largement la femme : outre qu’ils en ont plusieurs, ils les tiennent sous clef ; c’est doublement bien vu. L’Orient est, à mon sens, le seul pays du monde où les femmes soient à leur place à la maison et au lit.

Mon doux Jésus ! que voulez-vous qu’on réponde à un pareil tissu de turpitudes ? J’en suis rouge comme une cerise, seulement de les transcrire, moi qui habituellement suis plus blême que Deburau ! Tout ce que je peux dire, c’est qu’il sera incontestablement damné dans l’autre monde, et qu’il n’aura pas le prix Montyon dans celui-ci. Si vous avez, mesdames, quelques objections à faire contre un système aussi monstrueux, je vous donnerai très-volontiers l’adresse de Rodolphe, et vous vous débattrez avec lui sur ces différents points : je vous souhaite beaucoup de succès ; quant à moi, je m’en lave les mains et je m’en vais continuer avec courage l’admirable