Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/158

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— Vraiment je ne savais pas que vous fissiez les impromptus sans être prévenu d’avance ; vous êtes réellement un homme prodigieux, et vous ferez la huitième des sept merveilles du monde. Mais c’est qu’ils sont vraiment très-bien ces vers ; le second, surtout, est charmant ; j’aime aussi beaucoup la fin : il y a peut-être un peu d’exagération, et mes yeux, si beaux que vous les vouliez trouver, sont loin de posséder un pareil pouvoir ; mais c’est égal, la pensée est fort jolie, il n’y a qu’une seule chose que vous devriez bien changer, c’est l’endroit où vous dites que ma peau est couleur d’orange, ce serait fort vilain si c’était vrai ; heureusement que cela n’est pas, fit madame de M*** en minaudant un peu.

— Pardon, madame, ceci est de la couleur vénitienne et ne doit pas tout à fait se prendre au pied de la lettre, objecta timidement Rodolphe, comme quelqu’un qui n’est pas bien sûr de ce qu’il dit, et qui est prêt à se désister de son opinion.

— Je suis un peu brune, mais je suis plus blanche que vous ne croyez, répliqua madame de M*** en écartant un peu la dentelle noire qui voilait sa gorge ; ceci n’est pas de la neige, ni de l’albâtre, ni de l’ivoire, et cependant ce n’est pas un zeste d’orange. En vérité, messieurs les romantiques, quoique vous ayez de bons moments, vous êtes de grands fous.

Rodolphe souscrivit de bon cœur à cette proposition, quelque peu hétérodoxe, qui l’eût fait sauter au plancher quelques jours auparavant, et se mit