Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/179

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rodolphe, lui obéissant de point en point. — Le verrou est tiré, madame.

madame de m***. — Asseyez-vous là, devant moi, sur ce fauteuil, et tâchez d’avoir l’air un peu moins effarouché. Vous me disiez donc que la pièce nouvelle était mauvaise.

rodolphe, vivement. — Moi, je ne disais pas cela ; je ne disais rien du tout, je la trouve fort bonne.

madame de m***, bas. — En vérité, pour un poëte, vous n’êtes guère spirituel. N’entendez-vous pas monsieur qui vient ? Il faut bien avoir l’air de parler de quelque chose.

(Le mari entre avec sa figure de mari, tout à fait bénigne et réjouissante à voir.)

le mari. — Ah ! vous voilà, monsieur Rodolphe ! il y a une éternité que l’on ne vous a vu : vous devenez d’un rare, et vous nous négligez furieusement ; ce n’est pas bien de négliger ses amis. Pourquoi donc n’êtes-vous pas venu dîner l’autre jour avec nous ?

rodolphe, à part. — A-t-il l’air stupide celui-là ! (Haut.) Monsieur, vous m’en voyez au désespoir ; une affaire de la dernière importance… Croyez que j’y ai plus perdu que vous. (À part.) Est-ce que je serai comme cela quand je serai marié ? Oh ! la bonne et honnête chose qu’un mari !

le mari. — Cela peut se réparer. Venez demain, si toutefois vous n’êtes pas déjà engagé. J’ai précisément une loge pour une première représentation. L’auteur est fort de mes amis… Nous irons tous ensemble.