Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/184

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rodolphe, d’une voix caverneuse, et qui semble sortir de dessous terre comme celle de l’ombre dans Hamlet. — Certainement, je meurs d’envie de faire une partie avec vous.

Le mari arrange la table, et gagne tout l’argent à Rodolphe, qui ronge son frein et n’ose éclater : ce qui prouve que Dieu ne reste pas oisif là-haut dans sa stalle au paradis, mais qu’il veille avec soin sur les actions des mortels, et punit tôt ou tard l’homme peu délicat qui a osé convoiter l’âne, le bœuf ou la femme de son prochain.

Madame de M*** bâille horriblement ; le mari déguise à peine sa joie et se frotte les mains de l’air le plus triomphal ; Rodolphe a la physionomie la plus piteuse du monde, et pourrait très-bien poser pour un Ecce homo. Il est tantôt minuit, et l’aiguille n’a plus qu’un pas à faire pour attraper l’X. Rodolphe se lève, prend son chapeau ; le mari le reconduit, et madame de M*** trouve à peine le temps de lui serrer la main à la dérobée, et de lui jeter dans le tuyau de l’oreille cette phrase courte, mais significative : — À demain, mon ange, et de bonne heure. Heureux Rodolphe ! il y a bien de quoi consoler de la perte de quelques écus de cent sous à l’effigie de Napoléon ou de Charles X ; car, en ce temps-là, le roi-citoyen n’était pas inventé.

Le lecteur aura sans doute remarqué que ces dernières pages ne valent pas le diable ; cela n’est pas difficile à voir. Tout cela est d’un fade et d’un banal à vous donner des nausées : on dirait d’une comé-