Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/192

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donna un grand coup de poing sur le front, et renversa sa table par terre d’un coup de pied, comme quelqu’un qui vient d’avoir une idée phosphorescente.

— Pardieu ! c’est cela ; je suis un grand sot de ne pas y avoir songé plus tôt. Holà ! Mariette, holà ! une plume, de l’encre et du papier.

Mariette releva la table, et mit dessus tout ce qu’il fallait pour écrire.

Rodolphe passa deux ou trois fois la main dans ses cheveux, roula les yeux, ouvrit les narines comme une sibylle sur le trépied, et commença ainsi :


« Monsieur,

« Il y a de par le monde une espèce de gens que je ne saurais honnêtement qualifier, qui cachent sous des dehors aimables la plus profonde démoralisation. Pour eux, il n’y a rien de respectable ; les choses les plus sacrées sont tournées en dérision ; l’innocence des filles, la chasteté des femmes, l’honneur des maris, tout ce qu’il y a de pur et de saint au monde leur est sujet de risée et de plaisanterie ; ils s’introduisent dans les familles, et, avec eux, la honte et l’adultère. J’ai appris avec douleur, monsieur, que vous receviez chez vous un nommé Rodolphe. Cet individu, que j’ai eu l’occasion de connaître et d’étudier à fond, est un homme extrêmement dangereux : sa réputa-