Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/194

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nouveau sous ce soleil où rien n’est nouveau, et cela avec la chose la plus usée du monde, une lettre anonyme, le pont aux ânes, la ressource de tous les petits intrigailleurs et machinateurs subalternes. Vraiment, je me respecte infiniment moi-même, et, si je le pouvais, je me mettrais à genoux devant moi. Se dénoncer soi-même au mari, cela est parfaitement inédit ! S’il ne devient pas jaloux à ce coup, c’est qu’il est créé pour ne pas l’être, et je veux le proclamer comme le plus indifférent en matière de mariage qu’il y ait eu depuis Adam, le premier marié, et le seul de tous qui soit à peu près certain de n’avoir pas été cocu, attendu qu’il était le seul homme. Ce qui n’est toutefois pas une raison, car l’histoire du serpent et de la pomme me paraît terriblement louche, et doit nécessairement cacher quelque allégorie cornue.

Ou le vieillard stupide dissimulera, épiera et nous prendra flagrante delicto, ou il éclatera sur-le-champ, et, de toutes les manières, il me fournira deux ou trois scènes poétiques et passionnées. Peut-être jettera-t-il madame de M*** par la fenêtre et me poignardera-t-il ; cela aurait vraiment une tournure espagnole ou florentine qui me siérait à ravir.

Ô cinquième acte tant rêvé, que j’ai poursuivi si opiniâtrement à travers toute la prose de la vie, que j’ai préparé avec tant de soin et de peine, te voilà donc arrivé ! Je ne ferai donc plus de l’Antonysme à la Berquin ; je m’en vais devenir un héros de roman, et cela en réalité. Vienne un autre Byron, et