Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/214

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ma faute à moi ? je ne vous ai pas cherché, au contraire, et j’ai bien pleuré pour venir avec vous. Vous m’avez prise toute jeune à ma vieille mère, et vous m’avez amenée ici : me trouvant jolie, vous n’avez pas dédaigné de me séduire. Cela ne vous a pas été difficile : j’étais isolée, sans défense aucune ; vous abusiez de votre ascendant de maître et de ma soumission de servante ; et puis, à quoi bon le cacher ? si je ne vous aimais pas encore, je n’avais pas d’autre amour ; vous avez le premier éveillé mes sens, et cet enivrement m’a fait supporter des choses que je ne supporterai plus, je vous le déclare, je ne veux plus être pour vous un jouet sans conséquence, qu’on prend et qu’on jette là, une chose agréable à toucher comme une étoffe ou une fourrure ; je suis lasse de tenir le milieu entre vos chats et votre chien. Moi, je ne sais pas, comme vous, séparer mon amour en deux : l’amour de l’âme pour celle-ci, l’amour du corps pour celle-là. Je vous aime avec mon âme et mon corps, et je veux être aimée ainsi. Je veux ! c’est un étrange mot, n’est-ce pas, de moi à vous, de moi servante à vous maître ? mais vous m’avez prise pour être votre servante et non votre maîtresse ; si vous l’avez oublié, pourquoi ne l’oublierais-je pas ?

rodolphe, à part. — Par la virginité de ma grand’mère, voilà qui se pose assez passionnément. (Haut et d’un ton caressant.) Pauvre Mariette ! (À part.) C’est décidé, je quitte l’autre.

mariette, pleurant. — Ah ! Rodolphe, si vous pou-