Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/236

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des lambris, si serrées et si mal en ordre, qu’on ne pouvait en voir une seule sans en déranger deux ou trois.

Rembrandt heurtait Watteau du coude, une fête galante de Pater couvrait la figure d’une sibylle de Michel-Ange, un Tartaglia de Callot donnait du pied au cul au portrait du grand roi, par Hyacinthe Rigaud, une nudité charnue et sensuelle de Rubens faisait baisser les yeux à un dessin ascétique de Morales, une gouache libertine de Boucher montrait impudemment son derrière à une prude madone du rigide Albert Dürer ; la muraille était hérissée d’antithèses, comme une tragédie du temps de l’empire.

Sur toutes les tables, les consoles, les guéridons, les chaises, les fauteuils, et en général sur tout ce qui présentait une surface à peu près plane, étaient entassés une foule d’objets de formes baroques et disparates.

Dans une duchesse inoccupée, au milieu de plats bosselés et d’émaux de Bernard de Palissy, une longue fiole flamande allongeait son col de cigogne.

Des pots bleus du Japon, des nids d’hirondelles salanganes, des carpes et des chats verts de la Chine, jonchaient des escabeaux vermoulus du temps de Louis XIII.

Une tête de mort, des besicles sur le nez, une calotte grecque sur le crâne, une pipe culottée entre les mâchoires, faisait la grimace à un magot de porcelaine placé à l’autre bout de la cheminée ; des