Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/249

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de tout ce qui pouvait gêner ; il envoya chercher de l’eau-de-vie, du rhum et plusieurs paniers de vin ; il posa lui-même un chef et trois ou quatre marmitons auprès des fourneaux, et casseroles, poêles, marmites d’entrer en danse, et de siffler, et de chanter, et de faire flah-flah, et de faire floh-floh, le plus joyeusement du monde.

Sancho, Falstaff, Panurge, et tous les moines goinfres de Rabelais auraient eu la joie au cœur, et se fussent léché les babines, rien que de manger leur pain à la fumée de cette cuisine.

Le lieu de réunion présentait l’aspect le plus étrange : d’un côté, des sièges élégants, un service splendide, des bougies dans des flambeaux dorés ; de l’autre, des bancs de chêne, des tables sur des tréteaux, de grosses chandelles de suif ou de poix-résine dans des chandeliers de fer-blanc ; la plus complète opposition.

La maison, ainsi illuminée, jetait feu et flammes par toutes les ouvertures, et inondait d’une lueur dédaigneuse les autres maisons, ses voisines, qui s’étaient couchées à neuf heures, et avaient fermé l’œil pour jusqu’au lendemain matin, en bonnes rentières et en bourgeoises de la vieille roche qu’elles étaient effectivement.

Cependant les fiacres commençaient à arriver : on criait, on jurait. D’étranges silhouettes se découpaient entre les portes des voitures et les portes de la maison. C’était tantôt des marquis poudrés, en habit à la française, l’épée au côté, la poignée en