Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/305

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cation particulière. Jamais nous n’avions aussi bien compris le bonheur de la maison et les voluptés indéfinissables du foyer !

Nous étions si heureux d’être là, cois et chauds, dans une chambre bien close, devant un feu clair, seuls et libres de toute gêne, tandis qu’il pleuvait, ventait et grêlait au dehors ; jouissant d’une tiède atmosphère d’été, tandis que l’hiver, faisant craqueter ses doigts blancs de givre, mugissait à deux pas, séparé de nous par une vitre et une planche. À chaque sifflement aigu de la bise, à chaque redoublement de pluie, nous nous serrions l’un contre l’autre, pour être plus forts, et nos lèvres, lentement déjointes, laissaient aller un Ah ! mon Dieu ! profond et sourd.

— Ah ! mon Dieu ! qu’ils sont à plaindre, les pauvres gens qui sont en route !

Et puis nous nous taisions, pour écouter les abois du chien de la ferme, le galop heurté d’un cheval sur le grand chemin, le criaillement de la girouette enrouée ; et, par-dessus tout, le cri du grillon tapi entre les briques de l’âtre, vernissées et bistrées par une fumée séculaire.

— J’aimerais bien être grillon, dit la petite Maria en mettant ses mains roses et potelées dans les miennes, surtout en hiver : je choisirais une crevasse aussi près du feu que possible, et j’y passerais le temps à me chauffer les pattes. Je tapisserais bien ma cellule avec de la barbe de chardon et de pissenlit ; je ramasserais les duvets qui flottent