Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/319

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nous parlait. Aussi, Maria et moi, nous l’accompagnâmes jusqu’au pied de la colline, trottant, de toutes nos forces, de chaque côté de son cheval, pour être plus longtemps avec lui.

— Assez, mes petits, nous dit-il je ne veux pas que vous alliez plus loin, Berthe serait inquiète de vous.

Puis il nous hissa sur son étrier, nous appuya un baiser bien tendre sur les joues, et piqua des deux : nous le suivîmes de l’œil pendant quelques minutes.

Étant parvenu au haut de l’éminence, il retourna la tête pour voir encore une fois, avant qu’il s’enfonçât tout à fait sous l’horizon, le clocher de l’église paroissiale et le toit d’ardoise de sa petite maison.

Nous ayant aperçus à la même place, il nous fit un geste amical de la main, comme pour nous dire qu’il était content ; puis il continua sa route.

Un angle du chemin l’eut bientôt dérobé à nos yeux.

Alors, un frisson me prit, et les pleurs tombèrent de mes yeux. Il me parut qu’on venait de fermer sur lui le couvercle de la bière, et d’y planter le dernier clou.

— Oh ! mon Dieu ! dit Maria avec un grand soupir, mon pauvre oncle ! il était si bon !

Et elle tourna vers moi ses yeux purs nageant dans un fluide abondant et clair.

Une pie, perchée sur un arbre, au bord de la route, déploya, à notre aspect, ses ailes bigarrées, s’envola en poussant des cris discordants, et s’alla reposer sur un autre arbre.