Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/341

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Le réfractaire se retire après avoir grommelé quelque injure contre les membres du conseil de révision, qui sont de vénérables marchands de suif, d’augustes menuisiers, de magnanimes fabricants de bas de filoselle et de petits avocats chafouins, à l’œil vairon, au teint bilieux, qui débitent de grands réquisitoires et s’exercent à demander des têtes en mouchant la chandelle avec leurs doigts.

C’est alors que commence une effroyable persécution ; l’orgueil des charcutiers, blessé au vif, se soulage par des poursuites furibondes. Jamais assassin, jamais voleur, jamais accusé politique ne fut traqué aussi rudement.

Lorsque ses terriers sont éventés, l’infortuné n’a d’autre ressource que d’avoir quelques bonnes fortunes. C’est là le plus triste : il déploie ses grâces les plus exquises ; il est adorable, il est charmant, et fait si bien qu’on oublie de le renvoyer ; voilà un gîte de plus.

Mais les municipaux connaissent les affaires de cœur : Werther paraît ; mieux vaudrait l’amant ou le mari même, un pistolet dans chaque main.

— Monsieur, je viens pour vous arrêter.

— Ah ! très-bien ; déployez votre commissaire et son écharpe ; je ne suis pas assez lié avec vous pour ne pas faire de cérémonie.

Werther n’a pas de commissaire sur lui, et va chercher le plus voisin. Pendant qu’il essaye d’éveiller l’auguste fonctionnaire, le réfractaire, vêtu d’un simple pantalon, se