Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/389

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Scudéry, manger leur pain avec un morceau de lard rance, dérobé à une souricière, dans quelque allée déserte du Luxembourg ; les hommes de génie ne soupent plus comme autrefois avec la fumée des rôtisseries ; ils prennent leur nourriture sur des tables et dans des assiettes qui sont à eux, ainsi que ceux qui les apportent. Ô progrès fabuleux ! ô sort inespéré !

La poésie, au sortir de ce long jeûne, étonnée, ravie d’avoir à manger, se mit à travailler des mâchoires de si bon courage, qu’en très-peu de temps elle prit du ventre.

« Ce n’est plus Calliope longue et pure raclant du violon dans un carrefour, » c’est une femme de Rubens chantant après boire dans un banquet, une joyeuse Flamande au sourire épanoui et vermeil, que toutes les ailes d’ange dessinées par Johannot en tête des recueils de vers auraient grand’peine à enlever au ciel.

Passons aux exemples.

M. Victor Hugo, qui, en sa qualité de prince souverain de la poésie romantique, devrait être plus vert que tout autre et avoir les cheveux noirs, a le teint coloré et les cheveux blonds. Sans être de l’avis de M. Nisard le difficile, qui trouve au bas de la figure du poëte un caractère d’animalité très-développée, nous devons à la vérité de dire qu’il n’a pas les joues convenablement creuses, et qu’il a l’air de se porter beaucoup trop bien, — comme Napoléon devenu empereur.