Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/48

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

elle est ardente, jalouse, impérieuse, se prend de dispute au moindre mot, et fait aller un homme comme un cheval de fiacre ; et c’est ma maîtresse, à moi le doux, le flegmatique, le posé. Oimè povero ! Je suis aussi en droit de me plaindre que toi. Au diable les femmes !

— As-tu jamais entendu, reprit Roderick après un intervalle, le Miserere dans la chapelle Sixtine, le jour de la Passion ?

— Oui, répondit Théodore, je l’ai entendu ; ces voix de soprano sont d’un effet admirable.

— Si nous changions notre voix de basse pour un contralto ; que t’en semble, mon cher ami ?

— Tu es ivre, Roderick ! Changeons plutôt de maîtresse : à moi ta blonde, à toi ma brune.

— Tope ! c’est dit.

Les deux amis se tournèrent le dos, et ronflèrent profondément.

Un mois après l’échange fait, ils se retrouvèrent sous la même table, et eurent une grande conversation qui finit comme celle-ci : Oimè povero ! Au diable les femmes !

À dater de cette époque, ils se grisèrent tous les jours, et s’en trouvèrent on ne peut mieux.