Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/55

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Une ample simarre de couleur obscure tombait à plis roides et droits autour de son corps souple et mince, d’une manière toute dantesque. Il est vrai de dire qu’il ne sortait pas encore avec ce costume ; mais c’était la hardiesse plutôt que l’envie qui lui manquait ; car je n’ai pas besoin de vous le dire, Onuphrius était Jeune-France et romantique forcené.

Dans la rue, et il n’y allait pas souvent, pour ne pas être obligé de se souiller de l’ignoble accoutrement bourgeois, ses mouvements étaient heurtés, saccadés ; ses gestes anguleux, comme s’ils eussent été produits par des ressorts d’acier ; sa démarche incertaine, entrecoupée d’élans subits, de zigzags, ou suspendue tout à coup ; ce qui, aux yeux de bien des gens, le faisait passer pour un fou ou du moins pour un original, ce qui ne vaut guère mieux.

Onuphrius ne l’ignorait pas, et c’était peut-être ce qui lui faisait éviter ce qu’on nomme le monde et donnait à sa conversation un ton d’humeur et de causticité qui ne ressemblait pas mal à de la vengeance ; aussi, quand il était forcé de sortir de sa retraite, n’importe pour quel motif, il apportait dans la société une gaucherie sans timidité, une absence de toute forme, convenue, un dédain si parfait de ce qu’on y admire, qu’au bout de quelques minutes, avec trois ou quatre syllabes, il avait trouvé moyen de se faire une meute d’ennemis acharnés.

Ce n’est pas qu’il ne fût très-aimable lorsqu’il voulait, mais il ne le voulait pas souvent, et il ré-