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et les plis de terrain de leurs masses compactes. Avant d’être allé en Afrique, on a peine à s’effrayer beaucoup dans la Bible de la plaie des sauterelles d’Égypte. Au bout d’un quart d’heure de promenade, nous avions compris. De jeunes arbres étaient réduits à l’état de carcasses d’éventail et disséqués jusque dans la plus mince fibrille par les mandibules formidables des insectes dévastateurs ; l’herbe est fauchée de près comme par le meilleur ouvrier, et le passage de la bande fait un hiver quelquefois de plus d’une lieue de large ; il ne reste pas une feuille, pas un brin de gazon. La stérilité marche à l’arrière-garde. Les zones de dévastation sont très-nettement marquées ; la moitié d’un champ est quelquefois ras comme la main, tandis que l’autre est parfaitement intacte.

Les sauterelles ont plusieurs phases de développement : quand elles sont jeunes, leur couleur est d’un jaune-paille ; plus tard, la racine des ailes prend une nuance vert-pomme ou rose vif, sensible surtout lorsque l’insecte les ouvre. Elles atteignent alors une longueur de doigt, et, quand elles partent brusquement d’un buisson, quelqu’un qui ne serait pas prévenu pourrait les prendre sans peine pour de petits oiseaux.

Nous étions au milieu d’un nuage bruissant, bourdon-