Page:Gautier - Lucienne, Calmann Lévy, 1877.djvu/129

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cablaient. Elle quitta la salle et s’élança dans le jardin.

Là, elle se jeta sur un banc et laissa éclater les sanglots qui depuis un instant l’étouffaient.

Elle était comme un fugitif qui s’est engagé dans une impasse et ne peut plus échapper à ceux qui le poursuivent. Sa situation, de plus en plus, devenait inextricable ; le réseau de mensonges dont elle s’était entourée allait se rompre ; la crise était imminente. Elle avait beau se débattre, le couteau levé sur elle allait s’abaisser. Pareille à un naufragé qui, à bout de forces, renonce à lutter, elle s’abandonnait à la douleur et pleurait éperdument, la tête baissée, les mains sur le visage.

Elle sentit que, doucement, quelqu’un lui prenait les mains et découvrait ses yeux aveuglés de larmes. Adrien était auprès d’elle. Elle poussa un faible cri et se jeta sur la poitrine du jeune homme, comme un enfant qui se réfugie sur le cœur de sa mère. Ses pleurs redoublaient. Elle était épuisée, lasse de lutter ; elle voulait en finir, tout lui dire, et mourir après. Les sanglots, heureusement, l’empêchaient de parler.

— Lucienne, calmez-vous, par grâce, disait Adrien en l’entourant de ses bras ; vous me rendez fou.

Il lui essuyait les yeux avec son mouchoir, mais les larmes ne tarissaient pas.

— Voyons, chère, êtes-vous malade ? Est-ce un chagrin subit, un souvenir douloureux qui vous met en cet état ? Parlez, je vous en supplie.