Page:Gautier - Lucienne, Calmann Lévy, 1877.djvu/134

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

épaules. Une brise un peu Fraîche soulevait de son front les boucles légères de ses cheveux.

Il fallait bien marcher un quart d’heure pour atteindre la ferme d’Argent, ou plutôt Darjean, du nom de son propriétaire. Elle est située assez avant dans les terres, sur le plateau de la falaise. Les bouquets de bois qui l’entourent et l’abritent des vents du large, font des dépendances de cette ferme un lieu charmant de promenade. Hospitalier d’ailleurs, l’enclos reste ouvert jour et nuit, et l’on peut le traverser ou s’y reposer sans que personne s’inquiète de vous. Lucienne gagna l’entrée principale, une porte à claire-voie grande ouverte, entre deux piliers de briques pointus par le haut. Adrien l’attendait à cette porte. Elle prit son bras.

— Entrons dans le bois, dit-elle.

Mais ils durent se ranger pour laisser passer un troupeau de moutons qui sortait tumultueusement de la ferme, emportant avec lui une forte odeur d’étable ; les bêtes bêlaient, se cabraient en se poussant les unes les autres par peur des deux chiens attentifs qui les dirigeaient. Le berger souleva son chapeau et salua d’un bonjour les deux jeunes gens. Ils traversèrent le pré, puis s’enfoncèrent sous les arbres et allèrent s’asseoir sur un vieux banc vermoulu qui oscilla sous leur poids.

De tous côtés autour d’eux les arbres minces s’élançaient comme des fusées et montaient très-haut ; le feuillage, un peu clair-semé, avait cette teinte fraîche et éclatante, cette couleur d’émeraude tra-