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III


Pourquoi Lucienne revenait-elle à F…, où elle risquait d’être reconnue par les habitués de la plage, plutôt que d’aller s’établir dans toute autre petite ville ? Elle avait lutté longtemps contre le désir qui la poussait vers ce lieu pour elle si plein de souvenirs ; mais elle avait fini par céder à ce désir. — Personne, pensait-elle, n’ira s’imaginer que la nièce du riche M. Provost puisse être la même qu’une humble petite modiste vivant de son travail.

De plus, elle se souvenait que, pendant son séjour à F…, ayant voulu faire préparer un chapeau gâté par la pluie, on lui avait dit qu’il n’existait pas de modiste dans la ville. Le commerce qu’elle voulait entreprendre avait donc des chances de réussite là plutôt qu’ailleurs, et cette raison avait achevé de la décider.

Elle était revenue avec joie vers ce berceau de son amour. Il lui semblait que là elle souffrirait moins, que la solitude serait moins lourde. Elle pouvait se passer des êtres humains et vivre dans le silence ; les choses ne lui parlaient-elles pas sans cesse de son bien-aimé ? Il avait respiré cet air, ses pieds avaient