Page:Gautier - Lucienne, Calmann Lévy, 1877.djvu/321

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aimer ; si je pouvais faire cela, je ne serais pas digne d’avoir profité de vos leçons. Je viendrai toutes les semaines. Et puis je passerai l’été dans ce pays si cher à mon cœur. L’hiver, vous viendrez chez nous quelque temps.

Chez nous ! Ces deux mots la plongeaient dans un ravissement sans fin.

Elle s’occupa de la toilette qu’elle mettrait pour le rendez-vous. Ses petites robes de modiste n’étaient pas ce qu’il fallait. Elle allait redevenir élégante, et cette fois honnêtement.

Elle était toujours décidée à ne rien dire de son passé à Adrien, et elle cherchait comment expliquer la disparition de son oncle… Bah ! elle trouverait bien quelque chose ! D’ailleurs, M. Lemercier était là pour remplacer sa famille absente.

— Comme Adrien doit être heureux, lui aussi, se disait-elle, comme il doit compter les jours !

Pendant la dernière semaine, elle ne dormit plus et mangea à peine. Elle ne pouvait tenir en place. Elle sortait de chez elle, rentrait et repartait à chaque moment. Elle courait jusqu’à la plage, regardait la mer, puis revenait. Elle demanda vingt fois à M. Lemercier quel temps il ferait le 30 septembre. Quelquefois, elle restait silencieuse, la tête dans ses mains, des heures entières, des larmes de joie coulant entre ses doigts.

Enfin il se leva, le jour tant désiré.

Dès sa première lueur, Lucienne sauta à bas de son lit et courut soulever un coin de son rideau. Avec