Page:Gautier - Poésies complètes, tome 2, Charpentier, 1901.djvu/48

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Elle aurait parfumé, cette humble paquerette
Dont sous l’herbe ton pied a fait ployer la tête,
        Notre pâle printemps ;
Nous l’aurions recueillie, et de nos pleurs trempée,
Cette étoile aux yeux bleus, dans le bal échappée
        A tes doigts inconstants.

Adorables frissons de l’amoureuse fièvre,
Ramiers qui descendez du ciel sur une lèvre,
        Baisers âcres et doux,
Chutes du dernier voile, et vous cascades blondes,
Cheveux d’or, inondant un dos brun de vos ondes
        Quand vous connaîtrons-nous ?

Enfant, je les connais tous ces plaisirs qu’on rêve ;
Autour du tronc fatal l’antique serpent d’Ève
        Ne s’est pas mieux tordu.
Aux yeux mortels, jamais dragon à tête d’homme
N’a d’un plus vif éclat fait reluire la pomme
        De l’arbre défendu.

Souvent, comme des nids de fauvettes farouches,
Tout prêts à s’envoler, j’ai surpris sur des bouches
        Des nids d’aveux tremblants,
J’ai serré dans mes bras de ravissants fantômes,
Bien des vierges en fleur m’ont versé les purs baumes
        De leurs calices blancs.

Pour en avoir le mot, courtisanes rusées,
J’ai pressé, sous le fard, vos lèvres plus usées
        Que le grès des chemins.
Égouts impurs, où vont tous les ruisseaux du monde,
J’ai plongé sous vos flots ; et toi, débauche immonde,
        J’ai vu tes lendemains.