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SOPHIE GAY.

plus tard, pour le Musée des Familles, de délicieux contes enfantins ; elle puisait à bonne source, elle était là avec madame la duchesse de Duras, l’auteur d’Ourika, et d’autres petites filles qui sont devenues de très-grandes dames. L’une de ces amies de pension, madame de L***, raconte de ce temps une petite anecdote oubliée de madame Sophie Gay elle-même, et qui montre comme dès lors elle avait l’esprit vif.

Un jour de première communion, une pensionnaire reprocha à Sophie de Lavalette, qui marchait devant elle penchant la tête et traînant la queue de sa robe, de ne savoir porter ni sa tête ni sa queue. — « On n’en dira pas autant de toi, répondit mademoiselle de Lavalette avec sa précoce prestesse de riposte, car tu n’as ni queue ni tête. » Réponse mordante, partie avant la réflexion, et qui n’empêchait pas la jeune communiante d’avoir les sentiments de piété les plus exaltés. Dès sa jeunesse, mademoiselle de Lavalette connut toutes les illustrations d’élégance et d’esprit du dernier siècle : M. le vicomte de Ségur, M. de Vergennes, M. Alexandre de Lameth. Avec les dispositions qu’elle avait, elle ne pouvait que profiter à pareille école. Aussi personne n’eut la repartie plus heureuse et plus prompte, le bon mot plus spontané. La grande habitude du meilleur monde prise dès l’enfance, et respirée pour ainsi dire comme une atmosphère naturelle, lui laissait sa liberté d’esprit, même devant celui qui faisait baisser la paupière aux lions, et balbutier des rois comme des jeunes filles timides.

Ainsi, nous la trouvons à Aix-la-Chapelle, femme de M. Gay, receveur général du département de la Roer, qui menait la grande existence que l’empereur exigeait des fonctionnaires de ce temps-là. Elle conservait son franc parler même vis-à-vis de César, qui aimait assez à déconcerter ceux et surtout celles à qui il adressait ces brèves