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PORTRAITS CONTEMPORAINS.

vous vue dans la Jeanne Vaubernier, de M. Balissan de Rougemont ? »

Ce rôle est, en effet, une des meilleures preuves de l’esprit de madame Dorval. Elle le joue en comédienne qui a de l’ironie et du trait dans chaque pli de son éventail. Il ne faut pas que M. Balissan de Rougemont se rengorge pour cela, car c’est bien malgré lui que madame Dorval a déployé tant de finesse joyeuse dans cette fable banale. Les bonnes comédiennes jouent quelquefois de bons tours aux mauvais auteurs ; un tour comme celui-ci est une noble vengeance.

Afin que cet article rassure pleinement les gens qui persistent à croire que madame Dorval habite un tombeau, nous voulons bien leur dire que son salon a l’air d’une véritable succursale de celui de Marion Delorme. On y trouve tout le confortable et toute l’élégance du jour, des albums, des tableaux, des statuettes, un piano, des fleurs, de la tapisserie et des porcelaines. Nous n’y avons pas vu de voile noir, de poison Borgia, de lame de Tolède, ni de stylets. On y prend du thé, on s’y étend sur de bons sophas, on y cause avec des gens d’esprit, on se permet d’y rire de certaines actrices, et l’on y voit assez rarement des acteurs.

(Le Figaro, 16 janvier 1838.)