Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/106

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de bout de l’an. Des carrés de drap noir étaient étendus à terre. Des femmes vieilles et jeunes ensevelies dans des manteaux noirs, dont le capuchon rabattu laissait à peine entrevoir le profil pâle, priaient agenouillées, et gardaient une immobilité complète, qui les faisait ressembler à des statues funèbres placés sur des tombeaux. Du haut de l’autel, une sainte Vierge revêtue d’habits de deuil, comme si, pensée délicate et d’une tendresse toute catholique, elle faisait elle-même partie de la famille du mort pour lequel on célébrait la messe, semblait pencher ses regards compatissants sur le groupe affligé. Un reflet vague baignait sa figure coloriée d’une teinte de chair, et lui prêtait une apparence de vie morte tout à fait en harmonie avec la scène.

Ce groupe était d’un aussi beau caractère que celui des femmes dans le Trentain de Berthal de Haze, du peintre belge Leys, tant admiré à l’Exposition universelle. Espérons que le grand artiste qui nous accompagnait s’en souviendra, et que nous verrons cette messe de bout de l’an à Saint-Jean-de-Luz reproduite quelque jour, avec toute son onction religieuse, dans un ces dessins colorés comme des tableaux qu’il prodigue si insouciamment.