Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/182

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de collines galeuses qui ressemblent à des tas de pierrailles et de gravats ; point de ces rochers gigantesques, de ces cimes ardues veloutées de pins, de ces pics baignés de nuages, argentés de neiges, de ces glaciers aux mille cristaux scintillants, de ces cascades où joue l’écharpe de l’arc-en-ciel, de ces lacs bleus comme la turquoise où le chamois vient boire, de ces grands cercles d’aigles planant dans la lumière ; — rien qu’une nature pauvre, morne et stérile, et qui paraît plus mesquine encore après les majestés olympiennes des Alpes suisses et les romantiques horreurs de la vallée de Gondo, d’un pittoresque si grandiose et si terrible.

Certes, la manie des comparaisons est un travers d’esprit, et il est injuste de demander à un endroit d’en être un autre ; mais nous ne pouvions nous empocher, du haut de notre banquette d’impériale, contre laquelle nous avions eu l’imprudence d’échanger notre coin de coupé pour pouvoir examiner le pays plus à l’aise, de penser à ces belles sierras espagnoles, dont personne ne parle et dont la beauté ignorée est bien au-dessus des sites italiens, trop vantés peut-être ; nous nous souvenions d’un trajet de Grenade à Velez-Malaga à travers la montagne par un sentier perdu où il ne passe peut-être pas deux voyageurs par an et qui