Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/19

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réparations, si urgentes que sans elles on eût été obligé d’abattre l’édifice, qui menaçait ruine et se fût écroulé un jour ou l’autre sur le prêtre et les fidèles. Montant sur les pierres amoncelées dans les cours de l’ancienne abbatiale, nous regardions les hauts murs frappés, comme à l’emporte-pièce, du trèfle à quatre feuilles roman, et nous remarquions un immense platane presque aussi gros que ceux de la cour du sérail à Constantinople ou de Buyuk-Deré, sous lesquels, à ce qu’on prétend, s’arrêta Godefroy de Bouillon avant de passer en Asie.

Ce platane est un ancien arbre de la liberté planté là en 93, sans doute pour narguer l’église, et il se trouve juste en face de la prison. Antithèse du hasard, qui a l’air d’un sarcasme et fait rêver.

L’idée de Constantinople nous était venue à propos de ce platane, et, sur le seuil de la cathédrale, d’où la consigne nous repoussait, nous rencontrâmes, par une coïncidence bizarre, une figure connue là-bas, en Turquie, un architecte employé aux travaux de restauration, avec qui nous avions été en soirée chez l’ambassadeur de France, à Thérapia, sur le Bosphore. Notre ami nous fit entrer et nous pûmes, selon notre désir, admirer la belle nef et les curieuses sculptures.