Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/226

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les femmes de Florence, moins belles que les Milanaises, les Vénitiennes ou les Romaines, sont plus intéressantes et parlent davantage à l’idée ; elles plairont surtout à l’écrivain psychologue ; leurs yeux sont voilés de mélancolie, leur front est parfois rêveur, et quelques-unes offrent cet air de vague souffrance, sentiment tout récent et tout chrétien, qu’on chercherait vainement dans la statuaire grecque ou romaine ; au milieu des têtes italiennes classiques, les têtes florentines sont bourgeoises dans le sens intime et favorable du mot ; elles n’expriment pas seulement la race, dans l’individu ; elles ne sont pas exclusivement humaines, elles sont sociales.

Les artistes florentins, André del Sarto, par exemple, n’ont pas cette beauté sereine du Titien, cette placidité angélique de Raphaël ; ils reproduisent un type à la fois plus humble et plus cherché ; on sent la réalité à travers leur idéal ; ils ne posent pas sur leurs figures ce masque de régularité générale dont abusent quelquefois les autres grands maîtres italiens ; ils risquent plus souvent le portrait dans leurs compositions et ne craignent pas de traverser une certaine laideur pour arriver au caractère. En voyant leurs œuvres, on peut comprendre comment quelques-unes de leurs