Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/42

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tous les bruits se taisent et ne sont plus que des murmures.

Lorsque nous eûmes dépassé le goulet du bassin et que la houle plus large de la rade vint balancer notre bateau, nous ne pûmes nous empêcher de pousser un cri d’admiration, grave infraction aux règles du dandysme, car admirer, c’est montrer soi inférieur : mais nous ne sommes pas un dandy ; devant nous se déroulait un spectacle merveilleux !

Le yacht qui avait amené Sa Majesté Britannique était en rade, et l’on distinguait, sous un rayon de soleil, ses tambours peints en jaune paille et ses cheminées couleur saumon ; à quelque distance se tenait, comme un garde du corps respectueux, le Royal-Albert, immobile au milieu de la légère fluctuation de la mer ; sa haute poupe, ses flancs évasés rappelaient un peu les anciennes formes françaises du temps de Louis XIV.

Un peu plus loin, décrivant un arc faiblement courbé, étincelait et papillotait la flottille des yachts, la plupart anglais, venus pour assister à la fête. Leur nombre, sans exagération, pouvait s’élever à cent cinquante ou deux cents ; ces délicieux bâtiments de plaisance, faits par d’habiles constructeurs, en bois de teck ou des îles, présentent les coupes les plus fines, les lignes les plus