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à tristan et iseult

la moi guérir afin que, sains et saufs, nous partagions les saintes délices de la nuit.

La flamme est éteinte ; l’âme est envolée. Iseult, fidèle, suivra Tristan dans la mort ; déjà le bien-aimé l’attire vers le mystérieux séjour ; des ondes puissantes semblent l’emporter ; le bourdonnement de l’infini emplit ses oreilles ; la nuit, la nuit consolante l’enveloppe mollement, la submerge, elle s’y noie, s’y abîme pour s’unir enfin à jamais à Ja flamme jumelle et se perdre avec elle dans le souffle divin de l’âme universelle.

On ne peut s’imaginer l’intensité d’impression que ce poème si passionné, si poignant par lui-même, acquiert, uni à la magie de la musique ; c’est comme une sensualité de l’âme, une immatérielle volupté : l’enivrement, la langueur douloureuse que laisse l’audition de cette œuvre est ineffaçable. Tous ceux qui ont su en comprendre les beautés transcendantes et ont subi le charme terrible, dans toute sa puissance, reconnaissent qu’aucune sensation artistique n’est comparable à celle