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les maîtres chanteurs

apprenaient simultanément chez eux à coudre une semelle et à filer un son, à scander un vers et à tailler un haut-de-chausse. On s’imagine aisément combien l’art dut s’atrophier dans un pareil milieu, de combien de règles et de lois ces hommes à cerveaux étroits surent entraver l’essor de l’inspiration, qui dut refermer ses ailes et marcher dans les sentiers tracés : c’était quelque chose comme un oiseau élevé par des taupes.

Si par aventure un nouveau venu, n’ayant pour toute science que son génie, se hasardait dans le cénacle des artisans poètes, on devine quel concert d’imprécations accueillait la liberté avec laquelle il brisait, comme des fils d’araignées, les lois minutieusement tissées par la routine. C’est un événement de cette nature que Richard Wagner a choisi pour nouer l’intrigue de sa comédie.

Walther de Stolzing, un chevalier de Franconie, s’est épris de la fille de Pogner, riche orfèvre de Nuremberg. Mais c’est seulement celui qui sera proclamé maître chanteur au