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avant-propos

satire. Aussi nul peuple ne peut-il nous égaler lorsqu’il s’agit d’opéras comiques, de vaudevilles ou de comédies de mœurs. L’art est surtout pour nous un amusement, le sérieux nous ennuie franchement, et, s’il nous arrive par hasard, d’admettre un chef-d’œuvre sur une de nos scènes, c’est seulement à titre de curiosité.

Existe-t-il un théâtre à Paris — capitale du monde — où les chefs-d’œuvre du monde entier soient représentés ? Calderon, Gœthe, Schiller, Shakespeare, qui donc se soucie d’eux ? Tandis que d’ineptes féeries, de misérables comédies, dont le jeu des acteurs et les personnalités que l’on croit y découvrir font le seul mérite, quand des scènes d’un naturalisme honteux tiennent l’affiche tout le long de l’année, Othello se traîne péniblement jusqu’à vingt représentations. On dira peut-être que le Français n’est pas voyageur et que les œuvres nées hors de chez lui ne l’intéressent pas. Et Victor Hugo ? Est-il une sorte d’injure et d’outrage qui lui ait été épargnée dans