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de rienzi

Capitolin et l’Himalaya. Et quelles enjambées gigantesques d’une œuvre à l’autre !

Rienzi révèle déjà un génie puissant, enthousiaste, mais qui n’a fait que s’assimiler, avec la plus grande aisance, les beautés qui l’avaient le plus charmé dans l’œuvre de ses devanciers. Il aime l’éclat, les pompeux cortèges, le tumulte des batailles ; l’orchestre brillant, retentissant, s’emporte, s’exalte ; la force qui le soulève, et ne se possède pas encore, se dépense en clameurs, en cris héroïques d’une véhémence extrême ; mais rien ne fait encore pressentir le novateur, si ce n’est pourtant le sens presque prophétique de ce sujet si ardemment révolutionnaire.

Entre Rienzi et le Vaisseau-Fantôme, un abîme s’est creusé. Le jeune maître, dédaignant le succès de sa première œuvre, la juge avec sévérité et la rejette de lui ; il la considère comme un essai. Du premier coup il a su égaler ses modèles, mais il se sent bien loin de son rêve, un monde nouveau palpite en son esprit, il doit briser les vieux moules et