Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/122

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deviner une sensibilité profonde contenue par une pudeur hautaine qui n’aime pas à laisser voir ses émotions.

Ce jugement littéraire s’accordait avec le jugement instinctif de mon cœur ; et maintenant que rien ne m’est caché, je sais combien il était juste. Toutes les emphases sentimentales, larmoyantes et hypocritement vertueuses vous faisaient horreur, et, pour vous, duper l’âme était le pire des crimes. Cette idée vous rendait d’une sobriété extrême dans l’expression des pensées tendres ou passionnées. Vous préfériez le silence au mensonge ou à l’exagération sur ces choses sacrées, dussiez-vous passer aux yeux de quelques sots pour insensible, dur et même un peu cruel. Je me rendis compte de tout cela, et je ne doutai pas un instant de la bonté de votre cœur. Pour la noblesse de votre esprit, il ne pouvait s’élever la moindre incertitude ; votre dédain altier de la vulgarité, de la platitude, de l’envie et de toutes les laideurs morales la démontrait suffisamment. À force de vous lire, j’acquis une connaissance de vous, que je n’avais vu qu’une fois, égale à celle que m’aurait donnée une intimité de tous les jours. J’avais pénétré dans les recoins les plus secrets de votre pensée, je savais vos points de départ, vos buts, vos mobiles, vos sympathies et vos antipathies, vos admirations et vos dégoûts, toute votre personnalité intellectuelle, et j’en