Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/135

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’étendue de cet hôtel quasi princier ; un haut mur resserré entre deux maisons encadrant une porte cochère monumentale, qui portait à son attique, en lettres d’or sur une tablette de marbre vert : Hôtel de C…, était tout ce qu’on voyait de la rue. Une longue allée de tilleuls centenaires taillés en arcade, à la vieille mode française, et que l’hiver avait effeuillés, conduisait à une immense cour, au fond de laquelle s’élevait l’hôtel, de pur style Louis XIV, avec ses hautes fenêtres, ses pilastres à demi engagés et ses combles à la Mansart, rappelant l’architecture de Versailles. Une marquise de coutil rose et blanc, soutenue par des hampes de bois sculpté, se projetait en avant des marches du perron, recouvertes d’un riche tapis. J’eus le temps d’examiner tous ces détails à la clarté que répandaient des ifs de lampions, car l’affluence, quoique choisie, était si nombreuse qu’il fallut prendre la file, comme à une réception de cour. La voiture nous déposa devant le perron, et nous jetâmes nos pelisses sur le bras de notre valet de pied. Auprès de la porte vitrée, dont il ouvrait et refermait les battants, se tenait un suisse gigantesque, de l’encolure la plus authentique. Sous le vestibule, on passait entre une haie de laquais en grande livrée, poudrés à blanc, tous de haute taille, tous immobiles et d’un sérieux parfait ; on eût dit les cariatides de la domesticité. Ils semblaient sentir